mercredi 4 avril 2012

SCOURTINIERS


LES SCOURTINS …

Rencontre avec un artisan qui fait vivre la dernière manufacture de scourtins de Provence. Mais qu’est-ce qu’un scourtin ?

Un scourtin est un filtre circulaire en forme de béret utilisé dans la production traditionnelle d’huile d’olive et qui tire son nom d’un mot provençal qui veut dire couffin. Arnaud et Frédérique Fert, frère et soeur garants de ce savoir-faire pour la quatrième génération, continuent de les fabriquer de même que d’en expliquer le principe dans leur Scourtinerie de Nyons, en Provence. Dans la pratique originale de production d’huile, les olives sont écrasées avec une meule afin d’obtenir une pâte, qui sera placée à l’intérieur du scourtin comme dans un poche. Les scourtins sont ensuite empilés les uns sur les autres et placés sous la presse. Les éléments
liquides passent à travers le scourtin (l’huile et l’eau), la partie solide, le grignon, reste à l’intérieur. Le mélange liquide coule dans une cuve, et l’huile surnage imméditament car elle est plus légère que l’eau. C’est à la fin de ce processus que l’on récupère l’huile première pression à froid. Les Grecs et les Romains utilisaient les mêmes principes pour obtenir ce nectar précieux. Ces éléments indispensables dans la pratique traditionnelle, sont confectionnés selon les principes de la vannerie et se composent d’herbes d’alfa, et ce jusque la révolution industrielle qui en 1890 voit l’introduction de presses hydrauliques :
celles-ci impliquent une pression plus forte et permettent d’extraire plus d’huile première pression à froid mais engendre l’éclatement des scourtins. C’est là que l’arrière grand-père d’Arnaud et Frédérique, Ferdinand, imagine deux innovations majeures : tisserand avec son épouse Marie, le couple imagine tout d’abord une machine à tisser en rond puis s’intéressent au matériau qui compose le scourtin. Ils explorent les possibilités de matières premières tissables du chanvre au cisal en passant par les fibres d’aloès, et trouvent en la fibre de noix de coco une solution solide qui ne craint pas l’eau.




La machine à tisser en rond et l’introduction des cordes en coco dans la fabrication des scourtins sont deux idées brevetées en 1892. Ces nouveautés amènent le succès et permettent à la famille Fert d’embaucher jusqu’à trente personnes dans leur atelier. Une époque dorée qui s’interrompt brusquement en 1956, lorsque le gel détruit la quasi-totalité des Oliviers de France : les commandes s’arrêtent net. C’est à cette époque que la pratique alternative de récupérer les vieux scourtins pour en faire des paillassons, typique des pas de porte provençaux, se transforme en belle idée. La famille Fert se lance dans la production de paillassons qu’elle teint, et diversifie même ses propositions en imaginant des dessous de plat ou encore des tapis. La deuxième moitié du 20eme siècle va vers plus de modernisation dans la technique de production d’huile d’olive et amène un scourtin composé de nylon… Les Scourtiniers continuent de produire leur petit béret en coco et nylon pour certains moulins du Var ou de Corse qui continuent de valoriser la production traditionnelle d’huile d’olive.


Le scourtin, vrai produit provençal, s’utilise aussi comme filtre à vin pour les pressoirs verticaux, une pratique reconnue depuis quelques années grâce au Château d’Yquem qui à travers une étude prouve que le jus est meilleur si on utilise un scourtin. Une diversification qui va de paire avec la gamme à usage domestique développée par la Scourtinerie, disponible sur place à côté de leur atelier dans leur jolie boutique qui vaut le détour puisqu’elle propose également des produits régionaux et des petits trésors importés d’Inde. Arnaud Fert répond aux questions et commandes via son site internet. Quand on lui demande s’il compte poursuivre la diversification des produits, Arnaud Fert répond par la négative en précisant que son souhait est de préserver une activité artisanale à taille humaine. On le comprend.

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